Développé avec Berta.me

  1. HELENE BASTENIER, exposition à Espace 001, 2023

    Les peintures d’Elise Leboutte (née à Dinant en 1984, vit et travaille à Bruxelles) sont faites d’émulations lumineuses, de séquences méditatives où l’ombre et la lumière se confondent, reflétant sa fascination pour le caractère éphémère de celles-ci et leurs variantes subtiles au travers de la couleur, mais aussi l'ambiance et l'espace, les frontières et les surfaces.

    Cette exposition tente de créer une poétique du lieu par les peintures, elle invite le spectateur à observer attentivement l’espace et la lumière d’un lieu à travers les oeuvres.

    Inspirée par espace 001, elle reprend les ombres dessinées sur les murs et sur les sols, dans un mouvement oscillant entre extérieur-intérieur, ombre et lumière, qu’elle a photographié dans un premier temps et peint ensuite à l’acrylique sur toile, avec des glacis qui laissent la lumière apparaître en douceur, toujours suggérée, avec des effets produits par le jeu des recouvrements de la peinture. Les voilures de teintes appauvries recouvrent les fonds colorés, révélant la lumière qui semble venir directement du tableau. 

    Les photographies modifiées sur Photoshop permettent de dégager les zones sombres et claires, et sont recadrées pour faire ressortir un détail ou dissiper une forme. Ce passage par la photographie et le dessin aussi permet de fixer l’apparence de la lumière dans l’instant pour ensuite la transposer dans ses peintures. La peinture va permettre de déployer une image, de rendre visible cette lumière, diffuse dans ses vibrations, qui émane des différentes étapes d’un processus technique lent et consciencieux.

    Les halos suggèrent parfois des éclairages de nuit, des lueurs filtrées, clartés floutées, ellipses qui rappellent des sensations éphémères.

    Tout cela confère une présence physique forte à ses peintures qui captent quelque chose de fugitif de la lumière qui se frotte aux surfaces et donnent à voir cette perspective évanescente. Elise Leboutte ne peint pas seulement la lumière, elle y est pleinement engagée. 

  2. ONE+ ONE+, LA HOULE -EDITIONS

    Catalogue d'exposition One+ One+, CCN/Centre Culturel de Namur, La Houle - Editions, février 2023

    Yves Depelsenaire, Interview Lucile Bertrand et Elise Leboutte, Livret visiteur, exposition One+ One+, CCN/Centre Culturel de Namur, La Houle - Editions, février 2023

  3. VINCENT CARTUYVELS

    Extrait - Catalogue d'exposition, Edition Chris De Becker - Artitude, 2019

    Par un tissage en douceur de zones frontales et de plans perspectifs issus de détails photographiques, les structures colorées d’Elise Leboutte sont constituées d’énergies lumineuses venues d’ailleurs, comme un hors champ qui envahit en douceur les pénombres des bordures, ou au contraire, comme un voile sombre en train de gagner sur les clartés : double mouvement d’un demi-jour entre aurore et crépuscule, intérieur et extérieur, éclaircie et nuage.

    Ce pan de lumière n’est jamais éclatant, et sa palette est restreinte. Le substrat coloré des peaux translucides se révèle de plus en plus riche au fur et à mesure que le regard circule d’une zone à l’autre : cette peinture a des secrets qui ne se livrent pas d’emblée…


    On le sait depuis Van Eyck, les glacis sont les premiers vecteurs de transparence et donc de lumière. Ils sont au cœur de ce travail : ils suggèrent des éclairages sous-jacents, des ombrages subtils, des lueurs filtrées qui nous rappellent des sensations éphémères du quotidien. Paradoxe, ces instantanés lumineux sont réalisés en séquences mûrement réfléchies, dans l’extrême attention des effets produits par le jeu des recouvrements. Travail soigné, exigeant, mené dans une lenteur indispensable à la maturation de chaque étape.


    Cette construction des éclairages est renforcé par les floutés, les «bougés photographiques» réalisés par des passages à mi-sec, avec une pâte acrylique qui, on le sait, sèche vite : elle exige donc à ce stade une rapidité d’exécution.

    On le voit, la nature du medium commande les différents processus d’émergence de l’image, ce qui constitue un moteur essentiel du travail de l’artiste. Celle-ci revendique d’ailleurs ce plaisir d’être en connivence avec la technique et de pouvoir la suivre dans ses contraintes.


    Avec le temps de la contemplation, le spectateur prend conscience de l’importance des finitions. Oui, tout compte ici…comme les différents états des limites entre les plans, parfois nettes, parfois floues, parfois incertaines : dans ce cas ils se touchent à peine, et laissent un interstice qui permet la vibration dans la fragilité des perceptions. Tout compte, comme l’aspect lisse et vernissé de la surface, brillante, satiné ou mate, comme la trace du balayage et l’orientation du pinceau, visibles ou non…Sans effets faciles et dans la sobriété, la plus grande exigence du métier est ici présente à tous les niveaux pour un éloge de la lumière qui semble répondre à la pensée de Tanizaki : en effet, dans L’éloge de l’ombre , l'auteur refuse les éclairages brutaux des occidentaux, il leur préfère les pénombres de l’architecture japonaise qui révèlent tant de beautés dans l’économie des sensations.

    Les reflets blanchâtres du papier, comme s’ils étaient impuissants à entamer les ténèbres épaisses du toko no ma, rebondissent en quelque sorte sur ces ténèbres, révélant un univers ambigu où l’ombre et la lumière se confondent. N’avez-vous jamais, vous qui me lisez, au moment de pénétrer dans une de ces salles, éprouvé le sentiment que la clarté qui flotte, diffuse, dans la pièce n’est pas une clarté ordinaire, qu’elle possède une qualité rare, une pesanteur particulière ?

    (…)

    Or c’est précisément cette lumière indirecte et diffuse qui est le facteur essentiel de la beauté de nos demeures.

    Et pour que cette lumière épuisée, atténuée, précaire, imprègne les murs de la pièce, ces murs sablés, nous les peignons de couleurs neutres, à dessein.

    (…)

    Nous nous complaisons dans cette clarté ténue, faite de lumière extérieure d’apparence incertaine, cramponnée à la surface des murs de couleur crépusculaire, et qui conserve à grand’ peine un dernier reste de vie. Pour nous, cette clarté-là sur un mur, ou plutôt de cette pénombre, vaut tous les ornements du monde et sa vue ne nous lasse jamais1.


    1. Tanizaki Junichiro : L'éloge de l'ombre - Publications orientalistes de France, 1977